Pourquoi je n’apprends pas à mon enfant à dire PARDON et par quoi je le remplace
📑 Sommaire
Quand ton enfant a eu un mauvais comportement, une mauvaise parole, qu’il a blessé quelqu’un, souvent, en tant que parent, nous demandons à notre enfant de s’excuser, de demander pardon à celui qui a été offensé.
Et pourtant, depuis quelque temps je ne demande plus à mes enfants de dire pardon, je t’explique pourquoi, et surtout, ce que je fais à la place !
Car la notion de réparation, de conséquence est centrale dans la parentalité Bienveillante, et parce que c’est surtout une valeur fondamentale à mes yeux que je souhaite transmettre à mes enfants.
Dire pardon, demander pardon, s’excuser : Ce qui me dérange
Je ne sais pas si tu t’es déjà posé la question, mais il y a toujours eu quelque chose qui me dérangeait, enfant, lorsque l’on me demandait de m’excuser. Mon Ego réagissait fortement, souhaitant me protéger d’une blessure…
La nature de la relation induite par les excuses
Soumission
Avec mon expérience d’existence de presque 40 ans (et surtout mon cheminement personnel ces dernières années), je me suis rendu compte qu’en réalité mon Ego cherchait à me protéger du sentiment de devoir me rabaisser, de l’humiliation de la soumission à l’autre, celui à qui je devais un “pardon”.
Un fort écho à ce que j’ai connu enfant, face au harcèlement scolaire.
Lorsque tu demandes à ton enfant de s’excuser auprès de son frère, sa sœur, son ami.e, il y a souvent un sentiment d’obligation.
Ton enfant perd son pouvoir de décision, de libre arbitre. Le sentiment de contrainte entraîne celui de la soumission.
Tu le sais, je t’en ai déjà parlé dans l’épisode 6 concernant le harcèlement, la soumission est en lien direct avec la domination. Et si ton enfant se sent soumis dans un aspect de sa vie, il cherchera naturellement à rééquilibrer cela en exerçant lui-même le pouvoir de domination. Pour remettre l’équilibre des forces au centre.
Alors si demander pardon, dire pardon, induit par voie de conséquence une relation de soumission / domination, cela va à l’encontre de ma volonté de la relation de coopération que je cherche à créer avec mon enfant.
C’est contre-productif avec mon choix éducatif.
C’est une des raisons qui m’ont conduit à creuser la question pour trouver une alternative à apprendre à mon enfant à demander pardon.
Mensonge social
Un autre point est le fait qu’en ne proposant que cette seule alternative aux enfants pour réparer une relation, le risque est que ton enfant accepte de “dire” pardon, sans en penser un moindre mot.
Le risque est donc que ton enfant finisse par nier ses émotions (injustice, blessure d’humiliation) en prononçant des mots qu’ils ne pensent pas. Tu lui apprends finalement à mentir sous couvert de respecter une convention sociale… Un peu à la manière de l’épisode 27 où je t’explique pourquoi dire “ça va” quand ce n’est pas le cas peut être nocif… C’est le mensonge à soi-même qui est le cœur du problème.
Dans ces cas, ton enfant n’apprend pas à réparer une relation, mais pire, il peut nourrir une forme de rancœur contre toi qui l’obliges ou contre l’autre, à qui tu lui demandes de s’excuser.
Dépendance
Le dernier point qui a conforté ma réflexion, c’est la prise de conscience que s’excuser auprès de quelqu’un est une forme de dépendance au regard de l’autre.
L’autre a un grand pouvoir entre les mains : Notre absolution
À mon sens, cela contribue à nous construire en attendant une validation extérieure, construire, pardon après pardon, notre dépendance au regard de l’autre, de son jugement de notre valeur.
Interroge-toi :
- Es-tu sensible à ce que pensent les autres de toi ?
- Est-ce que tes actions sont faites en fonction de ce que peuvent penser les autres, ou bien restes-tu toi-même, en toutes circonstances, peu importe ce que l’on peut penser de toi ?
Et si cette dépendance de la validation des autres avait été nourrie par l’attente du pardon de l’autre quand tu faisais une erreur, quand tu blessais quelqu’un.
Ne serait-il pas plus constructif pour ton enfant de se pardonner lui-même son comportement, ses erreurs ?
Tu le comprends peut-être avec ces questions. Mais je vois un lien direct entre le pardon et l’estime de soi, la confiance en soi.
Se pardonner à soi même c’est se donner de l’Amour. Et donc renforcer sa propre estime.
Demander pardon à quelqu’un c’est transféré cet amour sur l’autre : Tu ne t’accordes pas toi même de l’amour, tu espères que l’autre t’en donne en retour de tes excuses…
Tout cela forme, selon moi (et tu as le droit de ne pas être d’accord, naturellement!) une forme de dépendance au regard de l’autre, et donc un levier qui fait baisser l’estime de soi, la confiance en soi.
Raison supplémentaire qui m’a poussé à chercher une alternative au fait de devoir demander pardon.
Dire ou demander pardon : La passivité de l’un des acteurs de la relation
Histoire d’enfoncer peut-être un peu le clou, je trouve que le verbe associer au pardon est également important.
Dire pardon : L’offensé est passif
D’un côté, “dire” pardon permet à celui qui s’est mal comporté de se décharger rapidement, qu’il pense ses excuses ou non.
Lorsque l’on “dit” pardon, celui qui a été blessé dans la relation est finalement complètement passif.
Celui qui s’est mal comporté n’attend pas de retour de sa part, car il “dit” pardon. Un peu comme une patate chaude : “Tiens mon pardon, attrape !”
Niveau sincérité, on peut faire mieux. Et cela ne répare pas la relation pour autant, vu que la personne blessée n’a pas son mot à dire…
Demander pardon : Celui qui demande est passif
L’autre alternative, qui j’avoue m’est plus automatique, est de “demander pardon”.
Pour le coup, demander est un verbe qui induit la notion que l’action est requise par l’autre personne de la relation.
Lorsque l’on demande pardon à quelqu’un, le demandeur se place en position de passivité, de dépendance de l’autre. C’est la personne blessée qui a le pouvoir de réparer la relation, acceptant les excuses.
Celui qui demande pardon n’est pas acteur. C’est ce que je t’ai détaillé en te parlant de la dépendance au regard de l’autre que les excuses peuvent induire, selon moi.
Mais alors, si je trouve à redire concernant le fait de s’excuser, de demander ou de dire pardon, comment faire pour que ton enfant prenne conscience que son comportement, ses mots n’ont pas été acceptables, qu’il a blessé l’autre et la relation ?
Et c’est bien là finalement tout le cœur du sujet selon moi.
Au lieu de demander à ton enfant de présenter ces excuses, qu’il peut penser ou non, je préfère accompagner mes enfants à prendre conscience que la relation a été abîmée et qu’ils ressentent la nécessité de la réparer.
Mon alternative pour s’excuser : La réconciliation
Comme je te l’ai partagé, je trouve plus juste et bénéfique que chaque acteur de la relation (l’offensé et “l’agresseur”) soit acteur dans la relation, pour la réparer. Qu’aucun des 2 ne soit passif ou dépendant de l’autre.
Réconcilier : les 2 acteurs de la relation sont acteurs
Ce qui me semble mieux convenir est donc d’encourager mes enfants à se réconcilier, au lieu de s’excuser ou de demander pardon.
Car pour se réconcilier, chaque acteur de la relation est impliqué.
Celui qui a mal agit, qui a eu des propos blessants, un comportement inapproprié peut agir en faisant un pas en direction de l’autre, de reconnaître que sa façon de faire n’était pas la bonne. Et avoir l’opportunité d’exprimer ses émotions, son besoin ou sa valeur heurtée à l’origine de sa réaction.
Égalité dans la relation
La réconciliation c’est l’égalité entre les 2 acteurs de la relation. Une action réciproque, mutuelle, de part et d’autre des acteurs impliqués dans la relation.
C’est-à-dire que la personne blessée, agressée est toute aussi actrice de la réparation, pour arriver au but final de la réconciliation.
Concrètement, il s’agit donc d’inviter l’autre enfant (ou toi même si c’est toi qui t’es sentie agressée par ton enfant et que tu souhaites des excuses) à agir :
Verbaliser les émotions ressenties lors de l’agression verbale ou physique. Mettre des mots sur son besoin de sécurité peut être, de respect, etc.
Ainsi, agresseur et agressé ont tous les 2 l’occasion de développer leurs empathies, intelligences émotionnelles en prenant conscience des conséquences de leurs comportements et actes.
Ma proposition concrète pour remplacer le Pardon
Concrètement, comment faire ?
La première chose selon moi c’est de bien dissocier ton enfant de ses actes ou de son comportement.
Dissocier la personne de ses actes
Je crois sincèrement que personne n’EST mauvais ou méchant. Seuls nos actes et paroles (donc notre comportement) peuvent l’être.
Je trouve important de séparer l’identité de ton enfant, de qui il EST, de ce qu’il fait, de ses réactions. Sans quoi, c’est une étiquette inconsciente, mais une étiquette tout de même !
Il ne s’agit donc pas de demander à ton enfant de se réconcilier avec son frère ou sa soeur, avec toi en s’excusant.
Mais bien de lui donner la possibilité d’une prise de conscience de son comportement : Une remise en cause. Pour ensuite l’aider à l’exprimer autrement que par un comportement inapproprié.
Cela revient à dire à ton enfant “ce que tu as fait c’est méchant, tu as blessé ton frère avec cette insulte”.
Et non pas “Tu es méchant, tu as blessé ton frère avec cette insulte”
Ainsi, tu lui permets la prise de conscience, sans pour autant endosser la responsabilité d’une étiquette de “méchant”, car tu insistes sur ses actes, son comportement, et non pas sur son identité.
Permettre aux protagonistes de la relation de s’exprimer pour aller en direction de la réconciliation
La 2ème étape consiste à donner la parole aux acteurs de la relation.
Et peu importe l’ordre à qui tu donnes la parole. Propose aux 2 de pouvoir s’exprimer, chacun leur tour. Laisse-les maîtres de leur relation (sans quoi le risque est grand pour toi d’endosser la casquette d’arbitre et la place de “Sauveur” du triangle de Karpman. Si cela ne te parle pas, j’explique tout cela dans l’épisode 17 du podcast : Relation frères et soeurs : les 7 erreurs pour éviter les conflits dans la fratrie)
L’agresseur
Il s’agit de l’accompagner à formuler ses émotions, chercher le besoin insatisfait derrière ou sa valeur heurtée, qui a engendré son comportement.
Exactement comme je te l’explique dans l’épisode 1 du podcast : Les émotions pour comprendre le comportement de ton enfant.
Une fois ce besoin ou cette valeur identifiés, la réconciliation passe par ton accompagnement pour le formuler d’une manière acceptable pour l’autre.
Ton rôle est donc celui d’un médiateur.
L’offensé
De la même manière que tu as libérée, la parole de ton enfant qui a mal agit, donne la parole à celui qui a subi le comportement ou les paroles violentes.
Invite-le à poser des mots sur ce qu’il ou elle a ressenti.
Quand les 2 personnes se sont exprimées, elles ont plus d’éléments pour comprendre le point de vue de l’autre, plus à même de se comprendre et pourquoi pas de trouver un compromis.
Dans ce cas de figure, le compromis, cette compréhension mutuelle, c’est cela que j’appelle “réconciliation” et que j’encourage à faire pour mes enfants !
C’est apprendre à mieux comprendre l’autre et savoir communiquer.
Et s’ils refusent de se réconcilier ?
Je le sais, cette question te traverse :
OK, c’est bien beau Maude, mais comment je fais moi, si mon enfant refuse de se réconcilier ?
Et c’est légitime ! Car on est naturellement perturbé quand notre enfant refuse de faire preuve de marque de gentillesse, de bonne volonté.
Et il m’arrive régulièrement que mes enfants se disent “fâché à mort, plus jamais je ne lui adresse la parole” .
Lorsque cela arrive, c’est OK, et je t’invite toi aussi à accueillir cela.
Tu peux alors dire à ton enfant que tu comprends, qu’il ou elle se sent profondément blessé et ne souhaites pas faire un pas en direction de l’autre.
Tu te souviens, je t’ai déjà expliqué que les leçons de morale ou autre sermon pendant une tempête émotionnelle c’est contre-productif, voire même carrément nocif. Ton enfant n’est alors physiologiquement pas prêt pour cela.
La clé c’est donc de différer.
C’est accompagner les émotions des 2 : l’agresseur et l’offensé. Et de mettre le reste en suspens. De leur proposer de laisser passer les émotions et rappeler la porte ouverte au dialogue quand ils le souhaiteront, quand ils le voudront.
Un exemple personnel : Choupinette et Crapopoulos peuvent aussi bien jouer ensemble que s’écharper.
Et des fois, cela se termine en larmes, avec une trace rouge (un coup) sur le corps et des mots comme “j’t’aime plus, je ne veux plus jamais te voir, t’es plus mon frère/soeur”
Quand cela arrive dans des extrêmes, j’ai beau les encourager à se réconcilier, ils leur arrivent de se fermer comme des huîtres et de refuser la seule idée de réconciliation avec l’autre.
Ce que je fais, c’est d’accompagner les émotions des 2 en posant des mots sur ce que je vois :
- Pour l’agresseur : “je vois que ton frère t’a mis en colère en prenant ton cheval. Tu souhaites qu’il te demande l’autorisation avant de le prendre, c’est ça ?”
- Pour l’agressé : “Ce coup qu’elle t’a donné t’a fait très mal. Ton bras est rouge. Tu refuses que l’on te fasse mal et je comprends. Oui, ça fait mal.”
S’ils refusent de se réconcilier, je mets en pause la médiation temporairement :
“Je comprends, vous vous sentez tous les 2 tellement en colère, blessés par le comportement de l’autre que vous refusez de vous réconcilier. Je vous propose de vous séparer, de changer de pièce, afin de vous permettre de revenir au calme. Quand vous le souhaiterez, vous pourrez revenir vers moi, si vous le voulez, pour que l’on trouve une solution afin de réparer et vous réconcilier. Ou bien le faire entre vous si vous préférez.
Pour le moment, vous vous sentez trop en colère pour le faire et c’est OK.”
C’est typiquement le genre de phrases que je peux leur dire pour mettre en pause le processus de réconciliation.
Et s’il leur arrive de ne pas revenir vers moi, je profite souvent d’un moment où je les vois calmes pour leur rappeler la réconciliation. Très souvent, spontanément, ils se font un câlin et se disent spontanément “pardon” (même si je viens de passer 20 minutes à te décrier le mot pardon, mais les habitudes ont la vie dure 😅)
L’important n’est pas que ton enfant se réconcilie. Mais qu’il ressente pourquoi son comportement n’était pas le bon, qu’il ressente le besoin de réparer la relation.
C’est finalement que sa demande de pardon, de réconciliation, soit sincère !